Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/196

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voilà sa douleur. On n’oublie rien pour le consoler ; on lui donne du thé tous les matins ; mais ce n’est pas sur votre lit. Il a réglément son bœuf à dîner, mais ce n’est pas sur votre table : rien ne peut consoler son affliction, que l’espérance de votre retour.

Ma première visite se fait au pretty ; la seconde aux poules, qui sont bien les plus honnêtes poules que j’aie vues de ma vie. Elles préfèrent un vieux coq tout couvert de plaies, un vieux soldat estropié, qui pourroit demander place aux Invalides de Newmarket ; elles le préfèrent à un jeune galant qui a la plus belle crête et la plus belle queue du monde. Il faut que je me satisfasse de ma condition, telle qu’elle est ; mais si j’avois à choisir, j’aimerois mieux être vieux coq, parmi ces vertueuses poules, que vieil homme parmi les Dames. Cette considération me fait visiter vos poules deux fois le jour ; et là, par une fausse idée, je m’applique en quelque façon la nature et le bonheur de votre coq. Il marche avec une gravité extraordinaire : glorieux du respect qu’on lui rend et fort content de lui-même. Nous n’avons point de terme en notre langue qui puisse bien exprimer cette satisfaction grave et composée qui se répand sur tout l’extérieur ; l’Ufano des Espagnols y seroit tout à fait propre ; mais je ne sais si