Page:Œuvres mêlées 1865 III.djvu/305

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homme de son temps et le plus malheureux : je ne lui ressemble par mon esprit, ni par mon malheur. Il fut relégué chez des barbares, où il faisoit de beaux vers ; mais si tristes et si douloureux, qu’ils ne donnent pas moins de mépris pour sa faiblesse, que de compassion pour son infortune. Dans le pays où je suis, je vois Mme Mazarin tous les jours ; je vis parmi des gens sociables qui ont beaucoup de mérite et beaucoup d’esprit. Je fais d’assez méchants vers, mais si enjoués qu’ils font envier mon humeur, quand ils font mépriser ma poésie. J’ai trop peu d’argent, mais j’aime à vivre dans un pays où il y en a : d’ailleurs il manque avec la vie, et la considération d’un plus grand mal, est une espèce de remède contre un moindre. Voilà bien des avantages que j’ai sur Ovide. Il est vrai qu’il fut plus heureux à Rome avec Julie, que je ne l’ai été à Londres avec Hortense : mais les faveurs de Julie furent cause de sa misère ; et les rigueurs d’Hortense n’incommodent pas un homme aussi âgé que je le suis.

Je ne demande autre grâce pour moi,
Que la rigueur qu’on aura pour les autres,

et j’ai sujet d’être content. C’est à Mme Mazarin à finir ma lettre, quand je vous aurai dit qu’il ne manque rien ici que Mme de Bouillon