Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/131

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côtés. Son affection n’avoit point de limites, témoin ce qu’il fit pour Bussy, dans l’affaire de Mme de Miramion. Rien n’est plus touchant que sa tendresse pour Mlle du Vigean. Quand il partit pour Nordlingue, il s’évanouit en la quittant. Au faubourg Saint-Antoine, son premier cri de désespoir, quand il rencontra Mademoiselle, au pied de la Bastille, fut d’avoir perdu tous ses amis, dans cette fatale bataille. Quant à son esprit, il étoit admirable.

Hélas ! triste revers des choses d’ici-bas ! ce grand cœur avoit de déplorables imperfections ; cette âme héroïque étoit livrée à d’étonnants contrastes : cet esprit merveilleux, a des travers inexplicables. Il étoit certes plus désintéressé que son père, à qui l’avidité fit commettre tant de fautes ; mais l’orgueil, à l’égal de l’avarice, qui avoit abaissé son père, a égaré le grand Condé et l’a conduit tantôt à défendre son roi à Charenton, tantôt à le combattre à Bleneau. Il fesoit expier à Clémence de Maillé l’inégalité de l’alliance que lui avoit imposée la cupidité, et sa passion promettoit le mariage à Mlle du Vigean, quand il espéroit de se pouvoir dégager d’un lien qui lui étoit trop souvent insupportable. Il étoit le plus résolu et le plus clairvoyant des capitaines, sur le champ de bataille ; et dans la vie civile, et dans la vie politique, le plus irrésolu, le plus imprévoyant des hommes. L’habile peintre, qu’on nomme le cardinal de Retz, l’a ainsi crayonné : « Les héros ont leurs défauts ; celui de M. le Prince est de n’avoir pas assez de suite dans l’un des plus beaux esprits du monde… Quoiqu’il vît très-bien les inconvénients et les avantages des deux partis, sur lesquels il balançoit à