On attribue généralement à la régence du duc d’Orléans une influence morale qui auroit perverti le dix-huitième siècle tout entier. C’est un lieu commun d’histoire, que bien des gens acceptent comme un jugement, sans le discuter. L’imputation me semble au moins exagérée. Il faut distinguer, en effet, dans le dix-septième siècle, la période qui se termine à la mort de Mazarin, et celle qui part de l’époque où Louis XIV a pris le gouvernement personnel de l’État (1661). Au point de vue littéraire, les deux périodes ont des caractères distincts ; au point de vue politique, elles ont aussi des traits qui leur sont propres. Enfin, au point de vue des mœurs et de la direction philosophique des idées, de profondes différences s’y manifestent également.
La licence de la première moitié du dix-septième siècle ne le cède guère à celle du dix-huitième. Je n’en veux pour preuve que les Mazarinades, la littérature libertine qui les a précédées, fille de Rabelais, et qu’on me dispensera de discuter ici ; enfin, les historiettes de Tallemant, qui, sous ce rapport, sont un document irrécusable. Mais le dérèglement est couvert, alors, par la grandeur des caractères, des esprits, et des personnages. Au dix-huitième siècle, l’élévation morale s’abaisse, et la liberté se produit comme une fougueuse réaction contre le régime des dernières années de Louis XIV ; tandis qu’au début du dix-septième siècle, elle se montrait dans une allure naturelle et calme. Qu’on se garde toutefois d’y chercher une sorte de simplicité primitive ! Il n’y a pas d’époque où l’esprit ait été plus subtil et plus raffiné. Le bel innocent