Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/151

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parole1. On est surpris de l’influence que Montaigne a exercée sur Pascal ; et, pour qui le remarque, cette influence explique bien des choses. Il n’est pas jusqu’au style qui ne s’en soit ressenti. Qui ne connoît cette magnifique pensée de Pascal : « Que l’homme, étant revenu à soi, considère ce qu’il est, au prix de ce qui est ; qu’il se regarde comme égaré, dans ce canton détourné de la nature ; et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même, son juste prix. » Eh bien, tout cela est, à peu de choses près, dans Montaigne. Seulement, au lieu du cachot, celui-ci a dit : De ce petit caveau où tu es logé.

Ce courant de scepticisme est général dans la première moitié du dix-septième siècle ; il domine la société parisienne. La Mothe le Vayer a tenu grand état dans le monde. Il étoit familier chez le cardinal de Richelieu, qui s’en servit pour guerroyer Saint-Cyran. Il fut précepteur de Gaston, frère de Louis XIII, et répandu dans la meilleure compagnie. Théophile étoit gentilhomme ; son aïeul avoit été secrétaire de la reine de Navarre ; bonne école s’il en fut ! Son père étoit maître d’hôtel de la maison de Montmorency. Plein de ses souvenirs de jeunesse, Saint-Évremond déploroit à Londres, l’oubli dans lequel tomboit, dans une France nouvelle, ce poëte favori du temps de la Régence. Boisrobert n’étoit pas plus croyant que Théophile, mais il amusoit Richelieu ; il étoit ministre de ses largesses littéraires. Je ne rappellerai point l’étonnement de


1. Voy. les Pensées de Pascal, de l’édit. de M. Havet.