Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/194

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l’arbitre des grâces et de la faveur : il étoit si redouté, que Mazarin consentit à tout, et se garda pendant longtemps de le braver. Mais Condé, abusant de sa force, la perdit, et l’habile Italien vint à bout, par la ruse, de la passion du prince.

Tous les anciens frondeurs s’étoient ralliés autour du grand Condé, à l’exception du coadjuteur et du duc de Beaufort. Leur popularité, dans Paris, inquiéta la reine et Mazarin, qui ne crurent pas pouvoir avec sûreté retourner au Palais-Royal, tant que ces deux hommes, si accrédités, n’auroient pas fait leur soumission. Pour insulter à la fois à la timidité de Mazarin et à la haine du peuple de Paris, que Condé méprisoit profondément, le prince parcourut les rues de cette ville qu’il venoit d’assiéger, en plein jour, dans son carrosse, escorté seulement de deux laquais. Il imposa par son audace, et ne reçut aucun outrage ; mais cet exemple ne décida point la cour de Saint-Germain à rentrer dans Paris ; et, sous prétexte de surveiller les préparatifs de la guerre de Flandre, le cardinal emmena la Reine à Compiègne, et plus tard à Amiens.

L’époque de l’ouverture de la campagne étant arrivée, le prince en refusa le commandement et le laissa prendre au comte d’Harcourt, soit par méfiance envers Mazarin qu’il détestoit, soit pour mieux poursuivre une plus haute ambition, au siége même du gouvernement. Il demeura donc à la cour, où les discussions, dans le conseil, firent bientôt éclater une mésintelligence qui ne se pouvoit dissimuler longtemps. La duchesse de Longueville, aussi impérieuse que son frère, le poussoit aux extrémités ; mais le prince, quoique indigné de ce qu’il appeloit