Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/196

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condition, et il obtint la concession d’un petit coin du jardin des Tuileries, où il bâtit une maison, et l’embellit si bien, que ce lieu, où l’on trouvoit à manger et à se rafraîchir, devint le rendez-vous quotidien de la société parisienne. On s’y divertissoit, on y jouoit, on y causoit des affaires du temps. Tous les mémoires contemporains ont parlé du jardin de Renard, qui occupoit l’emplacement où se trouvent aujourd’hui l’orangerie et la terrasse, à l’extrémité sud-ouest du jardin des Tuileries.

Les gentilshommes frondeurs, qui avoient encore le haut du pavé, dans la capitale, reçurent d’abord civilement les visites de leurs adversaires, les mazarins, et crurent de l’honnêteté de leur faire fête. Encouragés par cet accueil poli, les jeunes courtisans prirent plus de liberté. Ils essayèrent des propos contre la Fronde, et chantèrent des chansons de leur parti. Dans une de leurs promenades, à la grande allée des Tuileries, ils rencontrèrent le duc de Beaufort, qui, soit pour éviter une querelle, soit pour tout autre motif, leur céda la place, et continua son chemin par une autre allée. Le marquis de Jarzay, qui étoit à la tête des mazarins, triompha de la modération apparente ou affectée du duc de Beaufort, et à son retour à Compiègne en réjouit la cour et les ruelles. Une nouvelle expédition fut donc résolue, par cette belle jeunesse enhardie. Il paroît que Saint-Évremond fut de l’équipée, bien qu’il n’en parle pas : il ne pouvoit y abandonner Ruvigny, l’un de ses plus intimes amis. Anne d’Autriche, voyant partir ces brillants étourdis, en témoigna quelque regret, tout en les excusant d’une témérité qui la flattoit.