Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/302

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Évremond s’est fait honneur d’une composition d’autrui, est démentie par la vie entière de cet homme si estimable, dont la calomnie n’attaqua jamais le caractère ni la délicatesse. Or, la Conversation de M. d’Aubigny, contre-partie spirituelle de la Conversation du maréchal d’Hocquincourt, et dont l’authenticité n’a jamais été contestée, commence par ces mots : Ayant raconté un jour à M. d’Aubigny la conversation que j’avais eue avec le P. Canaye, etc. Saint-Évremond seroit un impudent, s’il n’étoit pas l’auteur de la Conversation du maréchal d’Hocquincourt. Ninon de Lenclos, amie dévouée de Charleval, et qui lui a survécu douze années ; qui a connu toutes ces Conversations, qui a lu l’annonce de Bayle, du mois de décembre 1686, qui a vu l’édition de 1698, et qui a parlé si souvent de Charleval dans sa correspondance, n’a jamais dit un mot de la supposition, qui ne s’est présentée qu’à l’esprit de Voltaire, toujours dénigrant pour Saint-Évremond.

Saint-Évremond étant l’auteur de cette Conversation, si délicate et si caustique, unique en son genre dans notre langue, et dont la verve élégante n’a pas été surpassée au dix-huitième siècle, Ninon de Lenclos a failli probablement en subir la punition. Mais son esprit triompha de cette crise, attestée par Tallemant. Loin de se laisser abattre, c’est alors au contraire qu’elle est revenue s’établir au centre du beau monde et de la politesse, dans un charmant petit hôtel qu’elle a gardé pendant cinquante ans, et jusqu’à sa mort, à la rue des Tournelles. Cette maison appartenoit à François Mansart, qui ayant beaucoup travaillé pour le quartier Saint--