Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même, tout séduisit notre jeune homme, qui s’enrôla dans les troupes dirigées vers le pas de Suze ; il y fut reçu en qualité d’enseigne. En tête de cette armée, se trouvoit aussi le premier maréchal de Créqui, célèbre par sa valeur, par ses duels avec don Philippe de Savoie5, et dont le fils, qui fut depuis un des plus habiles généraux du dix-septième


5. Don Philippe ou Philippin, bâtard de Savoie, craignant d’être reconnu, dans une retraite précipitée, remit à un soldat son écharpe, dont lui avoit fait présent une belle dame. Le soldat fut pris par Créqui, ainsi que l’écharpe, dont ce dernier connut ainsi l’histoire. Créqui ayant fait dire à don Philippin d’avoir plus de soin, à l’avenir, des faveurs de sa belle, Don Philippin envoya un cartel à Créqui, mais oublia de se trouver au rendez-vous. Créqui fut fait prisonnier, à son tour, par le duc de Savoie, et Don Philippin étant allé lui rendre visite, Créqui ne demeura pas en reste de coups de bec avec lui. Après l’échange des prisonniers, Philippin appela de nouveau Créqui en duel, et les deux champions s’étant rencontrés, tout se passa en explications dont Créqui fit imprimer un récit qui déplut à don Philippin. Le combat étoit inévitable. Don Philippin y fut dangereusement blessé. Créqui lui donna la vie, mais il eut le tort de s’en vanter, et Philippin exaspéré, provoqua de nouveau Créqui à se battre. Au rendez-vous, près la frontière, les adversaires ne purent s’entendre sur la forme du duel, et Créqui publia une nouvelle relation, peu gracieuse pour don Philippin, lequel, après avoir riposté par un autre imprimé, envoya un dernier défi, qui ramena les deux champions en présence. Ils se battirent en chemise et en caleçons, à l’épée et au poignard. La lutte fut acharnée, désespérée. Philippin eut un moment le dessus ; on crut Créqui perdu. Mais celui-ci ayant gardé plus de sang-froid, finit par l’emporter et frappa Philippin de trois coups mortels, dont le dernier le cloua contre terre.

(Voy. Tallemant, I, p. 138, avec la note de M. Paulin Paris ; la Colombière, Chorier, Brantôme, etc.)