Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/408

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Le maréchal de Grammont lui ayant écrit, en 1664, une lettre affectueuse, où il le blâmoit de ne pas mettre ses amis en mouvement, pour faire sa paix avec la cour, Saint-Évremond lui répond par la lettre suivante, que tout esprit délicat appréciera. « Vous me reprochez de ne point donner de mes nouvelles à mes amis, et je vous réponds qu’il faut les connoître avant de leur écrire. On se méprend dans la mauvaise fortune si on compte sur de vieilles habitudes, qu’on nomme assez légèrement amitiés. Bien souvent nous voulons faire souvenir de nous des gens qui veulent nous oublier, et dont nous excitons plutôt le chagrin que les offices. En effet, ceux qui veulent bien nous servir dans nos disgrâces sont impatients de faire connoître l’envie qu’ils en ont, et leur générosité épargne à un homme la peine secrète qu’on sent toujours à expliquer ses besoins. Pour ceux qui se laissent rechercher, ils ont déjà comme un dessein formé de nous fuir : nos prières les plus raisonnables sont pour eux des importunités assez fâcheuses. Je ferai une application particulière de ce sentiment général, et vous dirai que je pense avoir reçu des nouvelles de toutes les personnes qui voudroient s’employer en ma faveur : je fatiguerois inutilement des miennes ceux qui ne m’ont pas donné des leurs jusques ici.

« Parmi les amis que la mauvaise fortune m’a fait éprouver, j’en ai vu qui étoient tout pleins de chaleur et de tendresse ; j’en ai vu d’autres qui ne manquoient pas d’amitié, mais qui avoient une lumière fort présente à connoître leur inu-