Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/433

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par la seule haine de la faveur, et aimer les malheureux par la seule considération de la disgrâce, c’est une conduite, à mon avis, fort bizarre, incommode à soi-même, et insupportable à ses amis. Néanmoins, la diversité des esprits fait voir tous ces différents effets dans la vie des courtisans.

Nous avons dit qu’il se trouve assez de gens à la cour qui rompent avec leurs amis, du moment qu’il leur arrive quelque désordre ; qui n’ont ni amitié ni aversion qui ne soit mesurée par l’intérêt. Quiconque leur est inutile ne manque jamais de défauts ; et qui est en état de les servir a toutes les perfections. Il s’en trouve d’autres qui ne se contentent pas d’abandonner les malheureux : ils les insultent, même dans le malheur. Plus ils témoignent de bassesse à flatter les favoris, plus ils montrent de chaleur à outrager ceux qui sont tombés dans l’infortune.

À dire vrai, si le chagrin de ceux qui pestent toujours contre la cour est extravagant, la prostitution de ceux qui lui sacrifient jusqu’à leurs amis est infâme. Il y a une juste situation entre la bassesse et la fausse générosité : il y a un véritable honneur qui règle la conduite des personnes raisonnables. Il n’est pas défendu à un honnête homme d’avoir son ambition et son intérêt ; mais il ne lui est permis de les suivre