Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/446

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de la vie. Ces heures tristes, que nous voudrions passer avec précipitation, contribuent autant à remplir le nombre de nos jours, que celles qui nous échappent à regret. Je ne suis point de ceux qui s’amusent à se plaindre de leur condition, au lieu de songer à l’adoucir.

Fâcheux entendement, tu nous fais toujours craindre !
Malheureux sentiment, tu nous fais toujours plaindre !
Funeste souvenir dont je me sens blessé,
Pourquoi rappelles-tu le mal déjà passé ?
Faut-il rendre aux malheurs ce pitoyable hommage,
De sentir leur atteinte, ou garder leur image ?
De nourrir ses douleurs, et toujours se punir
D’une peine passée, ou d’un mal à venir ?

Je laisse volontiers ces messieurs dans leurs murmures, et tâche à tirer quelque douceur des mêmes choses dont ils se plaignent. Je cherche dans le passé des souvenirs agréables, et des idées plaisantes dans l’avenir.

Si je suis obligé de regretter quelque chose, mes regrets sont plutôt des sentiments de tendresse que de douleur. Si, pour éviter le mal, il faut le prévoir, ma prévoyance ne va point jusqu’à la crainte. Je veux que la connaissance de ne rien sentir m’importune ; que la réflexion de me voir libre et maître de moi, me donne la volupté spirituelle du bon Épicure : j’entends cette agréable indolence qui n’est