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DE QUELQUES LIVRES ESPAGNOLS, ITALIENS ET FRANÇOIS.

Ce que l’amour a de délicat me flatte ; ce qu’il a de tendre me sait toucher : et, comme l’Espagne est le pays du monde où l’on aime le mieux, je ne me lasse jamais de lire, dans les auteurs espagnols, des aventures amoureuses. Je suis plus touché de la passion d’un de leurs amants, que je ne serois sensible à la mienne, si j’étois capable d’en avoir encore : l’imagination de ses amours me fait trouver des mouvements pour lui, que je ne trouverois pas pour moi-même.

Il y a peut-être autant d’esprit, dans les autres ouvrages des auteurs de cette nation, que dans les nôtres ; mais c’est un esprit qui ne me satisfait pas, à la réserve de celui de Cervantès, en Don Quichotte, que je puis lire toute ma vie, sans en être dégoûté un seul moment. De tous les livres que j’ai lus, Don Quichotte est celui que j’aimerois mieux avoir fait : il n’y en a point, à mon avis, qui puisse contribuer davantage à nous former un bon goût, sur toutes choses. J’admire comme, dans la bouche du plus grand fou de la terre, Cervantès a trouvé le moyen de se faire connoître l’homme le plus entendu, et le plus grand connoisseur qu’on se puisse imaginer : j’admire la diversité de ses