Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/516

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souffre pas une recherche curieuse de ce qu’on ne rencontre presque jamais. Pour un plaisir délicieux qu’on imagine toujours, et dont on jouit trop rarement, l’esprit, malade de délicatesse, se fait un dégoût de ceux qu’il pourroit avoir toute la vie. Ce n’est pas, à dire vrai, qu’il soit impossible de trouver des sujets si précieux, mais il est rare que la nature les forme, et que la fortune nous en favorise. Mon bonheur m’en a fait connoître, en France, et m’en avoit donné un, aux pays étrangers, qui faisoit toute ma joie. La mort m’en a ravi la douceur : et, parlant du jour que mourut M. d’Aubigny, je dirai toute ma vie, avec une vérité funeste et sensible :

Quem semper acerbum,
Semper honoratum, sic Dii voluistis, habebo4.

Dans les mesures que vous prendrez, pour la société, faites état de ne trouver les bonnes choses que séparément ; faites état même de démêler le solide et l’ennuyeux, l’agrément et le peu de sens, la science et le ridicule. Vous verrez ensemble ces qualités, non-seulement en des gens que vous puissiez choisir ou éviter, mais en des personnes avec qui vous aurez des liaisons d’intérêt, ou d’autres habitudes aussi


4. Virg. Æneid., lib. V, v. 49-50.