Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/522

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je n’aime pas ces gens doctes, qui emploient toute leur étude à restituer un passage, dont la restitution ne nous plaît en rien. Ils font un mystère de savoir ce qu’on pourroit bien ignorer, et n’entendent pas ce qui mérite véritablement d’être entendu. Pour ne rien sentir, pour ne rien penser délicatement, ils ne peuvent entrer dans la délicatesse du sentiment, ni dans la finesse de la pensée. Ils réussiront à expliquer un grammairien : ce grammairien s’appliquoit à leur même étude, et avoit leur même esprit ; mais ils ne prendront jamais celui d’un honnête homme des anciens, car le leur y est tout à fait contraire. Dans les histoires, ils ne connoissent, ni les hommes, ni les affaires : ils rapportent tout à la chronologie ; et, pour nous pouvoir dire quelle année est mort un consul, ils négligeront de connoître son génie, et d’apprendre ce qui s’est fait, sous son consulat. Cicéron ne sera jamais pour eux qu’un faiseur d’Oraisons, César qu’un faiseur de Commentaires. Le consul, le général leur échappent : le génie qui anime leurs ouvrages n’est point aperçu, et les choses essentielles qu’on y traite ne sont point connues.

Il est vrai que j’estime infiniment une Critique du sens, si on peut parler de la sorte. Tel est l’excellent ouvrage de Machiavel, sur les Décades de Tite-Live ; et telles seroient les