Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/530

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de résister à ce qu’elle a de plus engageant et de plus doux.

Je croirois qu’il n’est pas permis aux femmes de résister à un si légitime sentiment, quelque prétexte que leur donnent les égards de la vertu. En effet, elles pensent être vertueuses, et ne sont qu’ingrates, lorsqu’elles refusent leur affection, à des gens passionnés, qui leur sacrifient toutes choses. Se rendre trop favorables, seroit aller contre les droits de l’honneur ; se rendre trop peu sensibles, c’est aller contre la nature du cœur, qu’elles doivent garantir du trouble, s’il est possible, et non pas défendre de l’impression.

L’ingratitude de l’âme est une disposition naturelle à ne reconnoître aucun bienfait, et cela, sans considération de l’intérêt : car l’esprit d’avarice empêche quelquefois la reconnoissance, pour ne pas laisser aller un bien que l’on veut garder. Mais l’âme purement ingrate est portée d’elle-même, sans aucun motif, à ne pas répondre aux grâces qu’elle reçoit.

Il y a une autre espèce d’ingratitude, fondée sur l’opinion de notre mérite, où l’amour propre représente une grâce que l’on nous fait, comme une justice que l’on nous rend.

L’amour de la liberté a ses ingrats, comme l’amour propre a les siens. Toute la sujétion que cet esprit de liberté fait permettre, est