Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/601

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la joie la plus délicate de ses amis, se laissoit posséder entièrement à ces sortes de pensées, quelquefois judicieuses, toujours tristes.

J’avoue qu’il y a des temps où rien n’est si sage que de se retirer : mais, tout persuadé que j’en suis, je me remets de ma retraite à la nature, beaucoup plus qu’à ma raison. C’est par ses mouvements qu’au milieu du monde, je me retire aujourd’hui du monde même. J’en suis encore, pour ce qui me plaît : j’en suis dehors, pour ce qui m’incommode. Chaque jour, je me dérobe aux connoissances qui me fatiguent, et aux conversations qui m’ennuyent : chaque jour, je cherche un doux commerce avec mes amis, et fais mes délices les plus chères de la délicatesse de leur entretien.

De la façon que je vis, ce n’est ni une société pleine, ni une retraite entière : c’est me réduire innocemment à ce qui m’accommode le plus. Dégoûté du vice, comme trop grossier, et blessé de la pratique de la vertu, comme trop rude, je me fais d’innocentes douceurs qui conviennent au repos de la vieillesse, et qui sont justement sensibles, à proportion de ce que je puis encore agréablement sentir.

Lorsque nous approchons du fatal monument,
La nature se plaît à vivre innocemment ;