Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/84

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Le salon s’ouvre à l’esprit françois, qui est celui de la conversation, de la libre discussion, et de la sociabilité élégante. Ce fut d’abord une innovation, autant dans la disposition des logements, que dans les habitudes de la vie : mais elle fit révolution dans les mœurs, et se tourna graduellement en une habitude universelle. Son influence sur le génie national ne tarda point à se manifester, et fut aussi heureuse que prompte en ses effets. Les applications diverses de l’intelligence devinrent plus actives. En gagnant de la clarté, la science parut plus familière et plus accessible. Les conceptions de l’esprit se dépouillèrent des formes du pédantisme et revêtirent une expression plus nette, plus correcte et plus facile. On échangea ses idées, sur toute chose, dans les conférences du salon ; et, par cet exercice habituel, l’esprit acquit plus de souplesse et de vigueur. Si le fonds national de la littérature étoit pauvre, on emprunta et l’on s’appropria les richesses de deux littératures voisines ; et la politesse des manières, comme celle de l’esprit, étant désormais la condition nécessaire du bien-vivre, leur réunion s’appela l’honnêteté. L’ajustement du langage aux besoins nouveaux de l’intelligence devenue plus cultivée, occupa surtout l’attention des salons. Le raffinement fut quelquefois poussé à l’excès ; mais la langue devint ce qu’elle n’avoit jamais été, un art. On s’étudia curieusement à la polir, à la régler ; et l’usage du beau monde fut reconnu comme la meilleure de ses lois. Le discours de Méré, de la Justesse, malgré son chien de style, ainsi que dit Mme de Sévigné, prouve combien l’analyse subtile du langage étoit à la mode