Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/88

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C’est avec lui-même que Montaigne cause, et non avec autrui. Voyez, lorsqu’il trace les règles de l’institution des enfants : il n’a garde d’oublier l’eschole du commerce des hommes ; mais ce qu’il trouve de mieux à recommander, en ce commerce, c’est le silence et la modestie ; et pour la pratique des hommes, il la met bien au-dessous de la mémoire des livres. N’est-ce pas à son insu que, par le charme de son esprit, et l’application de sa morale facile, il prépare à la société du salon un incomparable agrément ? Avant les constructions du dix-septième siècle, on ne pouvoit pas réunir commodément une assemblée ; le conseiller Gillot recevoit la sienne dans sa chambre à coucher. Personne n’avoit été logé comme Mme de Beauvais, au seizième siècle ; et tout Paris vint admirer, comme une curiosité, son hôtel de la rue Saint-Antoine, qu’Anne d’Autriche honora, plus d’une fois, de sa présence. Dans ces réunions, les diverses classes de la société polie ont commencé à se mêler, sans se confondre : la noblesse de l’esprit avec la noblesse de robe ou d’épée, et même la noblesse de fortune, née des affaires et de la spéculation. Mlle Paulet étoit reçue à la cour, comme au Marais. La commodité du logement est pour beaucoup dans le développement du goût des sociétés ; et le salon a naturellement fait ressortir des qualités personnelles, dont la lecture des anciens n’avoit donné aucune idée. En effet, la conversation qui auroit le ton didactique du livre, feroit périr d’ennui.



Paris démoli, de M. Édouard Fournier. 1855, in-12, pag. 116 et suiv.