Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/97

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Trompé par ces apparences, qui n’auroit pris au pied de la lettre la dédicace de Barbin ? et un concours singulier de circonstances aidant à l’illusion, n’étoit-il pas naturel de croire que la modestie d’un auteur débutant se cachoit en effet sous le voile dont Barbin couvroit Saint-Évremond. On a pu penser encore, que l’auteur s’exercoit à imiter La Rochefoucauld, et recherchoit l’appui de Mme de Sablé, pour se ménager un accueil favorable dans le monde. De là toute une série d’appréciations, qui nous paroissent susceptibles d’être éclairées d’un jour nouveau.

En effet, si Barbin parle d’un auteur inconnu, dans sa dédicace, c’est qu’il n’étoit pas permis, ou prudent, de le nommer, à Paris, en cette année 1668, car il avoit encouru la colère du roi, et il expioit cette disgrâce par un dur exil, comme nous le verrons plus tard. Mais Saint-Évremond étoit alors connu de tout le monde. La Comédie des académistes avoit fait le bruit qu’on sait, et le nom de son auteur principal a retenti à toutes les oreilles dès 1643. La Conversation du maréchal d’Hocquincourt étoit écrite en 1656. La Retraite de M. de Longueville, imprimée en 1650, avoit comblé de joie la société du cardinal Mazarin. Elle étoit reproduite dans toutes les éditions des Mémoires de La Rochefoucauld, depuis 1662 ; l’Apologie du duc de Beaufort amusoit tout Paris, pendant la Fronde ; les Réflexions sur les divers génies du peuple romain avoient été imprimées en partie dès 1663 ; enfin la Lettre sur la paix des Pyrénées avoit tant fait d’éclat, au vu et au su du monde dont faisoit partie Mme de Sablé, que l’auteur avoit été