Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/198

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ments signalés dans les affaires ; que parmi des gens qui ont la vertu de faire les grandes choses et la vanité de les dire, il n’y ait pas un historien qui réponde, ni à la dignité de la matière, ni à notre propre inclination.

J’ai cru autrefois qu’on devoit attribuer ce défaut-là à notre langue ; mais quand j’ai considéré depuis que la beauté du françois dans la traduction égaloit presque celle du grec et du latin dans l’original, il m’est venu dans la pensée, malgré moi, que la médiocrité de notre génie se trouve au-dessous de la majesté de l’histoire. D’ailleurs, quand il y auroit parmi nous quelques génies assez élevés, il y a trop de choses nécessaires à la composition d’une belle histoire, pour les pouvoir rencontrer dans une même personne. On trouveroit peut-être un style assez pur et assez noble en quelques-uns de nos auteurs, qui, pour mener une vie éloignée de la cour et des affaires, les traiteroient avec des maximes générales et des lieux communs, qui sentent plus la politique de l’antiquité que la nôtre. Nos habiles gens d’affaires ont une grande connoissance de nos intérêts ; mais ils ont le désavantage de s’être formés à un certain style de dépêches, aussi propre pour les négociations, que peu convenable à la dignité de l’histoire. Ce leur est une chose ordinaire encore de parler fort mal de