Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/353

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préfaces et dans ses lettres, il perd la meilleure partie de toutes ces beautés ; et un auteur admirable, tant qu’il est animé de l’esprit des Grecs et des Latins, devient un écrivain médiocre, quand il n’est soutenu que de lui-même. C’est ce qui arrive à la plupart de nos traducteurs ; de quoi ils me paroissent convaincus, pour sentir les premiers leur stérilité. Et, en effet, celui qui met son mérite à faire valoir les pensées des autres, n’a pas grande confiance de pouvoir se rendre recommandable par les siennes : mais le public lui est infiniment obligé du travail qu’il se donne, pour apporter des richesses étrangères où les naturelles ne suffisent pas. Je ne suis pas de l’humeur d’un homme de qualité que je connoîs, ennemi déclaré de toutes les versions : c’est un Espagnol savant et spirituel (don Antonio de Cordova), qui ne sauroit souffrir qu’on rende communes aux paresseux les choses qu’il a apprises chez les anciens avec de la peine.

Pour moi, outre que je profite en mille endroits des recherches laborieuses des traducteurs, j’aime que la connoissance de l’antiquité devienne plus générale ; et je prends plaisir à voir admirer ces auteurs par les mêmes gens qui nous eussent traités de pédants, si nous les avions nommés, quand ils ne les entendoient pas. Je mêle donc ma reconnoissance à celle