Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/454

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aucun amour. Salomon fut bien éloigné de ces partages et de ces dégoûts ; il s’attacha pleinement aux femmes, insensible à tous autres charmes que les leurs.

C’est une chose assez surprenante que les plus galants, les grands hommes, les gens de bien, les magnanimes, aient pu se passer de l’amour des femmes ; et, comme si cet amour étoit réservé pour le caractère du sage, que Salomon en ait fait la plus ordinaire occupation de sa vie. Il est surprenant, je l’avoue ; mais après y avoir fait quelque réflexion, je n’y trouve rien qui doive étonner. Les galants de l’antiquité avoient une grande répugnance pour la sujétion. Amoureux de tous agréments, ils se gardoient la liberté de passer d’un sexe à l’autre, à leur fantaisie. L’amour des femmes auroit amolli le courage des grands hommes ; la vertu des gens de bien en eût été altérée ; la grandeur d’âme des magnanimes en eût pu être affoiblie : mais la sagesse couroit peu de danger avec les femmes. Le sage, supérieur à leurs foiblesses, à leurs inégalités, à leurs caprices, sait les gouverner comme il lui plaît, ou il s’en défait comme bon lui semble. Tandis qu’il voit les autres dans la servitude, agités de quelque passion malheureuse, il goûte une douceur qui charme ses maux, qui lui ôte le sentiment de mille ennuis, qu’on ne rend pas insen-