Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/63

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l’effet d’une générosité dont on ne voit point d’exemple. En voici un, du temps dont j’ai à parler. Les Romains, défaits par Pyrrhus, et dans un état douteux s’ils rétabliroient leurs affaires, ou s’ils seroient contraints de succomber, eurent entre les mains la perte de ce prince, et en usèrent comme je vais dire.

Un médecin, en qui Pyrrhus avoit confiance, vint offrir à Fabricius de l’empoisonner, pourvu qu’on lui donnât une récompense proportionnée à un service si important. Fabricius, effrayé de l’horreur du crime, en informe incontinent le sénat, qui, détestant une action si noire, aussi bien que le consul, fit donner avis à Pyrrhus de prendre garde soigneusement à sa personne, ajoutant que le peuple romain vouloit vaincre par ses propres armes, et non pas se défaire d’un ennemi, par la trahison des siens.

Pyrrhus, ou sensible à cette obligation, ou étonné de cette grandeur de courage, redoubla l’envie qu’il avoit de faire la paix, et, pour y porter les Romains plus aisément, il leur renvoya deux cents prisonniers, sans rançon : il fit offrir des présents aux hommes considérables, il en fit offrir aux dames et n’oublia rien, sous prétexte de gratitude, pour faire glisser parmi eux la corruption. Les Romains, qui n’avoient sauvé Pyrrhus que par un senti-