Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/603

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jours bien aise de trouver des approbateurs, mais j’entrevois votre raison, c’est que vous supposez que je ne dirai pas qu’un corps se puisse mouvoir soi-même ; ainsi, l’âme n’étant pas la cause réelle du mouvement du bras, et le corps non plus, ce sera donc Dieu. Mais je suis dans une autre opinion, je tiens que ce qu’il y a de réel dans l’état qu’on appelle le mouvement procède aussi bien de la substance corporelle, que la pensée et la volonté procèdent de l’esprit. Tout arrive dans chaque substance en conséquence du premier état que Dieu lui a donné en la créant, et le concours extraordinaire mis à part, son concours ordinaire ne consiste que dans la conservation de la substance même, conformément à son état précédent et aux changements qu’il porte. Cependant on dit fort bien qu’un corps pousse un autre, c’est-à-dire qu’il se trouve qu’un corps ne commence jamais d’avoir une certaine tendance, que lorsqu’un autre qui le touche en perd à proportion suivant les lois constantes que nous observons dans les phénomènes. Et en effet, les mouvements étant des phénomènes réels plutôt que des êtres, un mouvement comme phénomène est dans mon esprit la suite immédiate ou effet d’un autre phénomène et de même dans l’esprit des autres, mais l’état d’une substance n’est pas la suite immédiate de l’état d’une substance particulière.

Je n’ose pas assurer que les plantes n’ont point d’âme, ni vie, ni forme substantielle ; car, quoique une partie de l’arbre plantée ou greffée puisse produire un arbre de la même espèce, il se peut qu’il y soit une partie séminale qui contienne déjà un nouveau végétale, comme peut-être il y a déjà des animaux vivants quoique très petits dans la semence des animaux, qui pourront être transformés dans un animal semblable. — Je n’ose donc pas assurer que les animaux seuls sont vivants et doués d’une forme substantielle. Et peut-être qu’il y a une infinité de degrés dans les formes des substances corporelles.

Vous dites, Monsieur, que « ceux qui soutiennent l’hypothèse des causes occasionnelles, disant que ma volonté est la cause occasionnelle, et Dieu la cause réelle du mouvement de mon bras, ne prétendent pas que Dieu fasse cela dans le temps par une nouvelle volonté, qu’il ait chaque fois que je veux lever mon bras, mais par cet acte unique de la volonté éternelle, par laquelle il a voulu faire tout ce qu’il a prévu qu’il serait nécessaire qu’il fit. » À quoi je réponds qu’on pourra dire, par la même raison, que les miracles