Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/611

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qu’un changement de diminution, qui fait rentrer cet animal dans l’enfoncement d’un monde et de petites créatures, où il a des perceptions plus bornées, jusqu’à ce que l’ordre l’appelle peut-être à retourner sur le théâtre. Les Anciens se sont trompés d’introduire les transmigrations des âmes au lieu des transformations d’un même animal qui garde toujours la même âme ; ils ont mis metempsychoses pro metaschematismis. Mais les esprits ne sont pas soumis à ces révolutions, ou bien il faut que ces révolutions des corps servent à l’économie divine par rapport aux esprits. Dieu les crée quand il est temps et les détache du corps (au moins du corps grossier), par la mort, puisqu’ils doivent toujours garder leurs qualités morales et leur réminiscence pour être citoyens perpétuels de cette république universelle toute parfaite, dont Dieu est le monarque, laquelle ne saurait perdre aucun de ses membres, et dont les lois sont supérieures à celles des corps. J’avoue que le corps à part, sans l’âme, n’a qu’une unité d’agrégation, mais la réalité qui lui reste provient des parties qui le composent et qui retiennent leur unité substantielle à cause des corps vivants qui y sont enveloppes sans nombre.

Cependant, quoiqu’il se puisse qu’une âme ait un corps composé de parties animées par des âmes à part, l’âme ou forme du tout n’est pas pour cela composée des âmes ou formes des parties. Pour ce qui est d’un insecte qu’on coupe, il n’est pas nécessaire que les deux parties demeurent animées, quoiqu’il leur reste quelque mouvement. Au moins l’âme de l’insecte entier ne demeurera que d’un seul côté, et comme dans la formation et dans l’accroissement de l’insecte l’âme y était dès le commencement dans une certaine partie déjà vivante, elle restera aussi, après la destruction de l’insecte, dans une certaine partie encore vivante, qui sera toujours aussi petite qu’il le faut, pour être à couvert de l’action de celui qui déchire ou dissipe le corps de cet insecte, sans qu’il soit besoin de s’imaginer avec les Juifs un petit os d’une dureté insurmontable, où l’âme se sauve.

Je demeure d’accord qu’il y a des degrés de l’unité accidentelle, qu’une société réglée a plus d’unité qu’une cohue confuse, et qu’un corps organisé ou bien une machine a plus d’unité qu’une société, c’est-à-dire il est plus à propos de les concevoir comme une seule chose, parce qu’il y a plus de rapports entre les ingrédients ; mais, enfin, toutes ces unités ne reçoivent leur accomplissement que des