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des idées

§ 9. Ph. Les qualités des choses étant les facultés qu’elles ont de produire en nous la perception des idées, il est bon de distinguer ces qualités. Il y en a des premières et des secondes. L’étendue, la solidité, la figure, le nombre, la mobilité, sont des qualités originales et inséparables du corps, que j’appelle premières (§ 10). Mais j’appelle qualités secondes les facultés ou puissances des corps à produire certaines sensations en nous, ou certains effets dans les autres corps, comme le feu par exemple en produit dans la cire en la fondant.

Th. Je crois qu’on pourrait dire que, lorsque la puissance est intelligible et se peut expliquer distinctement, elle doit être comptée parmi les qualités premières ; mais lorsqu’elle n’est que sensible, et ne donne qu’une idée confuse, il faudra la mettre parmi les qualités secondes.

§ 11. Ph. Ces qualités premières font voir comment les corps agissent les uns sur les autres. Or les corps n’agissent que par impulsion, du moins autant que nous pouvons le concevoir, car il est impossible que les corps puissent agir sur ce qui ne se[1] touche point, ce qui est autant que d’imaginer qu’il puisse agir où il n’est pas.

Th. Je suis aussi d’avis que les corps n’agissent que par impulsion. Cependant il y a quelque difficulté dans la preuve que je viens d’entendre ; car l’attraction n’est pas toujours sans attouchement, et on peut toucher et tirer sans aucune impulsion visible, comme j’ai montré ci-dessus en parlant de la dureté. S’il y avait des atomes d’Épicure, une partie poussée tirerait l’autre avec elle et la toucherait en la mettant en mouvement sans impulsion ; et dans l’attraction entre des choses contiguës on ne peut point dire que ce qui tire avec soi agit où il n’est point. Cette raison combattrait seulement contre les attractions de loin, comme il y en aurait à l’égard de ce qu’on appelle vires centripetas, avancées par quelques excellents hommes.

§ 13. Ph. Maintenant certaines particules, frappant nos organes d’une certaine façon, causent en nous certains sentiments de couleurs ou de saveurs ou d’autres qualités secondes, qui ont la puissance de produire ces sentiments. Et il n’est pas plus difficile à concevoir que Dieu peut attacher telles idées (comme celle de chaleur)

  1. Se manque dans Gehrardt. Nous préférons la leçon d’Erdmann.