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des idées

assez constante et régulière pour répondre à celle du temps qui est un continu uniforme et simple, comme une ligne droite. Le changement des perceptions nous donne occasion de penser au temps, et on le mesure par des changements uniformes : mais, quand il n’y aurait rien d’uniforme dans la nature, le temps ne laisserait pas d’être déterminé, comme le lieu ne laisserait pas d’être détermine aussi quand il n’y aurait aucun corps fixe ou immobile. C’est que, connaissant les règles des mouvements difformes, on peut toujours les rapporter à des mouvements uniformes intelligibles, et prévoir par ce moyen ce qui arrivera par des différents mouvements joints ensemble. Et dans ce sens le temps est la mesure du mouvement, c’est-à-dire le mouvement uniforme est la mesure du mouvement difforme.

§ 21. Ph. On ne peut point connaître certainement que deux parties de durée soient égales ; et il faut avouer que les observations ne sauraient aller qu’à un peu près. On a découvert après une exacte recherche qu’il y a effectivement de l’inégalité dans les révolutions diurnes du soleil, et nous ne savons pas si les révolutions annuelles ne sont point inégales aussi.

Th. Le pendule a rendu sensible et visible l’inégalité des jours d’un midi à l’autre : Solem dicere falsum aulet. Il est vrai qu’on la savait déjà, et que cette inégalité a ses règles. Quant à la révolution annuelle, qui récompense les inégalités des jours solaires, elle pourrait changer dans la suite du temps. La révolution de la terre à l’entour de son axe, qu’on attribue vulgairement au premier mobile, est notre meilleure mesure jusqu’ici, et les horloges et montres nous servent pour la partager. Cependant cette même révolution journalière de la terre peut aussi changer dans la suite des temps : et, si quelque pyramide pouvait durer assez, ou si on en refaisait de nouvelles, on pourrait s’en apercevoir en gradant là-dessus la longitude des pendules, dont un nombre connu de battements arrive maintenant pendant cette révolution ; on connaîtrait aussi en quelque façon le changement, en comparant cette révolution avec d’autres, comme avec celle des satellites de Jupiter, car il n’y a pas d’apparence que, s’il y a du changement dans les unes et dans les autres, il serait toujours proportionnel.

Ph. Notre mesure du temps serait plus juste si l’on pouvait garder un jour passé pour le comparer avec les jours à venir, comme on garde les mesures des espaces.