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des idées

qui renouvelant les attraits que ces mêmes images avaient dans ces sensations précédentes, renouvellent aussi les impulsions anciennes à proportion de la vivacité de l’imagination. Et de toutes ces impulsions résulte enfin l’effort prévalant, qui fait la volonté pleine. Cependant les désirs et les tendances, dont on s’aperçoit, sont souvent aussi appelés des volitions quoique moins entières, soit qu’elles prévalent et entraînent ou non. Ainsi il est aisé de juger, que la volition ne saura guère subsister sans désir et sans fuite ; car c’est ainsi que je crois qu’on pourrait appeler l’opposé du désir. L’inquiétude n’est pas seulement dans les passions incommodes, comme dans la haine, la crainte, la colère, l’envie, la honte, mais encore dans les opposées, comme l’amour, l’espérance, l’apaisement, la faveur et la gloire. On peut dire que partout où il y a désir, il y aura inquiétude ; : mais le contraire n’est pas toujours vrai, parce que souvent on est en inquiétude sans savoir ce qu’on demande, et alors il n’y a point de désir formé.

§ 40. Ph. Ordinairement la plus pressante des inquiétudes dont on croit être alors en état de pouvoir se délivrer, détermine la volonté à l’action.

Th. Comme le résultat de la balance fait la détermination finale, je croirais qu’il peut arriver que la plus pressante des inquiétudes ne prévale point ; car, quoiqu’elle prévaudrait à chacune des tendances opposées, prises à part, il se peut que les autres, jointes ensemble, la surmontent. L’esprit peut même user de l’adresse des dichotomies pour faire prévaloir tantôt les unes, tantôt les autres, comme dans une assemblée on peut faire prévaloir quelque parti par la pluralité des voix, selon qu’on forme l’ordre des demandes. Il est vrai que l’esprit doit y pourvoir de loin ; car dans le moment du combat, il n’est plus temps d’user de ces artifices. Tout ce qui frappe alors pèse sur la balance, et contribue à former une direction composée presque comme dans la mécanique, et sans quelque prompte diversion on ne saurait l’arrêter.

Fertur equis auriga nec audit currus habenas.

§ 41. Ph. Si on demande outre cela ce que c’est qui excite le désir, nous répondons que c’est le bonheur et rien autre chose. Le bonheur et la misère sont des noms de deux extrémités dont les dernières bornes sont inconnues. C’est ce que l’œil de l’homme n’a