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des idées

recevoir une causale comme elles, et je crois que dans le fond le plaisir est un sentiment de perfection, et la douleur un sentiment d’imperfection, pourvu qu’il soit assez notable pour qu’on puisse s’en apercevoir ; car les petites perceptions insensibles de quelque perfection ou imperfection, qui sont comme les éléments du plaisir ou de la douleur, et dont j’ai parlé tant de fois, forment des inclinations et des penchants, mais non pas encore des passions mêmes. Ainsi il y a des inclinations insensibles et dont on ne s’aperçoit pas ; il y en a de sensibles, dont on connaît l’existence et l’objet, mais dont on ne sent pas la formation, et ce sont des inclinations confuses, que nous attribuons au corps, quoiqu’il y ait toujours quelque chose qui y réponde dans l’esprit ; enfin il y a des inclinations distinctes, que la raison nous donne, dont nous sentons et la force et la formation ; et les plaisirs de cette nature qui se trouvent dans la connaissance et la production de l’ordre et de l’harmonie sont les plus estimables. On a raison de dire que généralement toutes ces inclinations, ces passions, ces plaisirs et ces douleurs n’appartiennent qu’à l’esprit où il l’âme ; j’ajouterai même que leur origine est dans l’âme même en prenant les choses dans une certaine rigueur métaphysique, mais que néanmoins on a raison de dire que les pensées confuses viennent du corps, parce que là-dessus la considération du corps et non pas celle de l’âme fournit quelque chose de distinct et d’explicable. Le bien est ce qui sert ou contribue au plaisir, comme le mal ce qui contribue à la douleur. Mais dans la collision avec un plus grand bien, le bien qui nous en priverait pourrait devenir véritablement un mal, en tant qu’il contribuerait à la douleur qui en devrait naître.

§ 47. Ph. L’âme a le pouvoir de suspendre l’accomplissement de quelques-uns de ses désirs, et est, par conséquent en liberté de les considérer l’un après l’autre et de les comparer. C’est en cela que consiste la liberté de l’homme et ce que nous appelons, quoique improprement à mon avis, libre arbitre ; et c’est du mauvais usage qu’il en fait que procède toute cette diversité d’égarements, d’erreurs ou de fautes où nous nous précipitons lorsque nous déterminons notre volonté trop promptement ou trop tard.

Th. L’exécution de notre désir est suspendue ou arrêtée lorsque ce désir n’est pas assez fort pour nous émouvoir et pour surmonter la peine ou l’incommodité qu’il y a de le satisfaire, et cette peine ne consiste quelquefois que dans une paresse ou lassitude insensible,