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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/221

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des idées

homme, sans qu’il s’ensuive de cette supposition qu’il est possible que Seth, Ismaël, Socrate, Pilate, saint Augustin sont un seul et même homme… ce qui s’accorderait encore plus mal avec les notions de ces philosophes, qui reconnaissaient la transmigration et croyaient que les âmes des hommes peuvent être envoyées pour punition de leurs dérèglements dans des corps de bêtes ; car je ne crois pas qu’une personne, qui serait assurée que l’âme d’Héliogabale existait dans un pourceau, voulût dire que ce pourceau était un homme, et le même homme qu’Héliogabale.

Th. Il y a ici question de nom et question de chose. Quant à la chose, l’identité d’une même substance individuelle ne peut être maintenue que par la conservation de la même âme, car le corps est dans un flux continuel, et l’âme n’habite pas dans certains atomes affectes à elle, ni dans un petit os indomptable, tel que le luz des rabbins. Cependant il n’y a point de transmigration par laquelle l’âme quitte entièrement son corps et passe dans un autre. Elle garde toujours, même dans la mort, un corps organisé, partie du précédent, quoique ce qu’elle garde soit toujours sujet à se dissiper insensiblement et à se réparer, et même à souffrir en certain temps un grand changement. Ainsi, au lieu d’une transmigration de l’âme, il y a transformation, enveloppement on développement, et enfin fluxion du corps de cette âme. M. Van Helmont, le fils, croyait que les âmes passent de corps en corps, mais toujours dans leur espèce, en sorte qu’il y aura toujours le même nombre d’âmes d’une même espèce, et par conséquent le même nombre d’hommes et de loups, et que les loups, s’ils ont été diminués et extirpés en Angleterre, devaient s’augmenter d’autant ailleurs. Certaines méditations publiées en France semblaient y aller aussi. Si la transmigration n’est point prise à la rigueur, c’est-à-dire si quelqu’un croyait que les âmes demeurant dans le même corps subtil changent seulement de corps grossier, elle serait possible, même jusqu’au passage de la même âme dans un corps de différentes espèce, à la façon des bramines et des pythagoriciens. Mais tout ce qui est possible n’est point conforme pour cela à l’ordre des choses. Cependant la question si, en cas qu’une telle transmigration fût véritable, Caïn, Cham et Ismaël, suppose qu’ils eussent la même âme suivant les rabbins, méritassent d’être appelés le même homme, n’est que de nom ; et j’ai vu que le célèbre auteur, dont vous avez soutenu les opinions, le reconnaît et l’explique fort bien (dans le dernier paragraphe de