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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/23

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xxiii
introduction

Je crois que l’objection d’Euler n’a rien d’insoluble. On peut même séparer le système des monades du système de l’idéalité dé l’espace. Toutes les questions relatives à l’espace peuvent être ajournées et réservées, sans compromettre l’hypotbèse des monades ; c’est ce que l’on peut démontrer.

Supposez, en effet, avec les atomistes, avec Clarke et Newton, la réalité de l’espace, en un mot le vide et les atomes, il n’est pas plus difficile de concevoir les monades dans l’espace que d’y concevoir les atomes ; un point d’activité indivisible peut être en un certain point de l’espace, et une réunion dei ces points d’activité constituera l’agrégat que nous appelons un corps. Or, il suffit que nous supposions ces points d’activité à distance les uns des autres, pour que leur réunion produise sur les sens une impression d’étendue continue ; même dans ce que nous appelons un corps, par exemple une table de marbre, tout le monde reconnaît qu’il y a des pores, c’est-à-dire des vides entre les parties ; mais comme ces vides échappent à nos sens, ces corps nous paraissent continus, comme un cercle de feu décrit par une succession mobile de points lumineux. En un mot, le corps se composerait comme l’avaient déjà dit les pythagoriciens, de deux éléments : les intervalles (διαστήματα) et les monades (μόναδες) ; seulement les monades pythagoriciennes n’étaient que des points géométriques ; pour Leibniz, ce sont des points actifs, des foyers d’activité, des énergies.

Quant à la difficulté d’admettre dans l’espace des forces inétendues, n’ayant par la même aucune relation avec l’espace, elle est, je l’accorde, très sérieuse. Mais elle ne peut être invoquée par ceux qui considèrent l’âme comme une force inétendue et une substance individuelle ; car ils sont obligés de reconnaître qu’elle est dans l’espace, quoiqu’elle n’ait par essence aucun rapport avec l’espace ; il n’est donc pas contradictoire qu’une force simple soit dans l’espace. Ira-t-on jusqu’à nier que l’âme soit dans l’espace, qu’elle soit dans le corps, et même dans une certaine partie du corps ? qui ne voit que c’est attribuer à l’âme un caractère qui n’est