monades dont se composent le corps sont des monades sentantes, pensantes et coulantes ? Leibniz n’a jamais rien dit de pareil ? Sur quoi se fonderait-on pour affirmer que les particules de mon corps sont des substances pensantes ? Qu’ont-elles donc de semblables à l’âme elle-même ? Elles sont, sans doute ; comme elle, substances unes et indivisibles. Mais quelle difficulté y a-t-il à admettre qu’il y a entre l’âme et le corps quelques attributs communs ? Prenez les atomes, par exemple. N’ont-ils pas cela de commun avec l’âme d’exister, d’être indestructibles, d’être identiques à eux-mêmes, et l’argument de l’identité du moi, opposé à la mobilité de la matière organisée, cesse-t-il d’être bon, parce que l’atome pris en soi est tout aussi identique que l’âme elle-même ? Cela est si vrai que l’on se sert même, par analogie, de l’indestructibilité de l’atome pour prouver l’indestructibilité de l’âme. Ce caractère qui leur est commun les fait-il confondre l’un avec l’autre ? Pourquoi se confondraient-ils davantage pour avoir encore en commun un attribut, caractère essentiel de toute substance, à savoir l’activité ?
Mais si les atomes de substance dont se compose l’univers sont des unités indivisibles, leur notion ne contredit plus la pensée ; ils peuvent devenir substances pensantes. Il est vrai, et l’on ne peut contester que dans ce système une monade ne puisse, s’il plaît à Dieu, devenir une âme pensante. Mais, si cela n’est pas impossible, rien ne prouve cependant qu’il en soit ainsi. Pourquoi n’y aurait-il pas plusieurs ordres de monades, qui ne pourraient pas passer d’une classe à l’autre ? Pourquoi n’y aurait-il pas de monades qui n’auraient que les propriétés mécaniques, d’autres plus élevées qui deviendraient principes de vie ou âmes végétatives ; d’autres, âmes sensitives ; d’autres, enfin, âmes intelligentes et libres, douées de personnalité et d’immortalité ? Le système de Leibniz ne s’oppose pas plus que tout autre à ces degrés. Si au contraire, par une hypothèse plus hardie, on admet comme possible qu’une monade passe d’un ordre a l’autre, il n’y aurait encore rien là qui pourrait humilier la juste dignité de l’homme : car,