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des idées

sont complètes. L’idée de la blancheur ou de la douceur, qu’on remarque dans le sucre, est complète, parce qu’il suffit pour cela qu’elle réponde entièrement aux puissances, que Dieu a mises dans ce corps pour produire ces sensations.

Th. Je vois, Monsieur, que vous appelez idées complètes ou incomplètes celles que votre auteur favori appelle ideas adæquatas aut inadæquatas ; on pourrait les appeler accomplies ou inaccomplies. J’ai défini autrefois ideam adæquatam (une idée accomplie) celle qui est si distincte que tous les ingrédients sont distincts, et telle est à peu près l’idée d’un nombre. Lorsqu’une idée est distincte et contient la définition ou les marques réciproques de l’objet, elle pourra être inadæquata ou inaccomplie, savoir lorsque ces marques ou ces ingrédients ne sont pas aussi toutes distinctement connues ; par exemple, l’or est un métal qui résiste à la coupelle et a l’eau-forte, c’est une idée distincte, car elle donne des marques ou la définition de l’or ; mais elle n’est pas accomplie, car la nature de la coupellation et de l’opération de l’eau-forte ne nous est pas assez connue. D’où vient que, lorsqu’il n’y a qu’une idée inaccomplie, le même sujet est susceptible de plusieurs définitions indépendantes les unes des autres, en sorte qu’on ne saurait toujours tirer l’une de l’autre, ni prévoir qu’elles doivent appartenir à un même sujet, et alors la seule expérience nous enseigne qu’elles lui appartiennent tout à la fois. Ainsi l’or pourra être encore défini le plus pesant de nos corps, ou le plus malléable, sans parler d’autres définitions qu’on pourrait fabriquer. Mais ce ne sera que lorsque les hommes auront pénétré plus avant dans la nature des choses, qu’on pourra voir pourquoi il appartient au plus pesant des métaux de résister à ces deux épreuves des essayeurs ; au lieu que dans la géométrie, où nous avons des idées accomplies, c’est autre chose, car nous pouvons prouver que les sections terminées du cône et du cylindre, faites par un plan, sont les mêmes, savoir des ellipses, et cela ne peut nous être inconnu si nous y prenons garde, parce que les notions que nous en avons sont accomplies. Chez moi la division des idées en accomplies ou inaccomplies, n’est qu’une sous-division des idées distinctes, et il ne me paraît point que les idées confuses, comme celle que nous avons


    Commentairres sur saint Denys l’Aréopagiste, Abrégé de théologie, Explication du Livre des Sentences, Somme de Théologie, Livre des Créatures, Trairé sur la Vierge. Albert le Grand n’était pas moins un savant qu’un philosophe. De là sa réputation de magicien. P. J.