particulière, le langage a été encore perfectionné par l’usage des termes généraux, lorsqu’ils signifient des idées générales.
Th. Les termes généraux ne servent pas seulement à la perfection des langues, mais même ils sont nécessaires pour leur constitution essentielle. Car, si par les choses particulières on entend les individuelles, il serait impossible de parler s’il n’y avait que des noms propres et point d’appellatifs, c’est-à-dire, s’il n’y avait des mots que pour les individus, puisqu’à tout moment il en revient de nouveaux lorsqu’il s’agit des individus, des accidents et particulièrement des actions, qui sont ce qu’on désigne le plus ; mais, si par les choses particulières on entend les plus basses espèces (species infimas), outre qu’il est difficile bien souvent de les déterminer, il est manifeste que ce sont déjà des universaux, fondés sur la similitude. Donc, comme il ne s’agit que de similitude plus ou moins étendue, selon qu’on parle des genres ou des espèces, il est naturel de marquer toute sorte de similitudes ou convenances et par conséquent d’employer des termes généraux de tous degrés ; et même les plus généraux, étant moins chargés par rapport aux idées ou essences qu’ils renferment, quoiqu’ils soient plus compréhensifs par rapport aux individus à qui ils conviennent, ils étaient bien souvent les plus aisés à former, et sont les plus utiles. Aussi voyez-vous que les enfants et ceux qui ne savent que peu la langue qu’ils veulent parler, ou la matière dont ils parlent, se servent des termes, généraux comme chose, plante, animal, au lieu d’employer les termes propres qui leur manquent. Et il est sûr que tous les noms propres ou individuels ont été originairement appellatifs ou généraux
§ 4. Ph. Il y a même des mots que les hommes emploient non pour signifier quelque idée, mais le manque ou l’absence d’une certaine idée, comme rien, ignorance, stérilité.
Th. Je ne vois point pourquoi on ne pourrait dire qu’il y a des idées privatives, comme il y a des vérités négatives, car l’acte de nier est positif. J’en avais touché déjà quelque chose.
§ 5. Ph. Sans disputer là-dessus, il sera plus utile pour approcher un peu plus de l’origine de toutes nos notions et connaissances, d’observer comment les mots qu’on emploie pour former des actions et des notions tout à fait éloignées des sens, tirent leur origine des idées sensibles, d’où ils sont transférés à des significations plus abstruses.
Th. C’est que nos besoins nous ont obligés de quitter l’ordre