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nouveaux essais sur l’entendement

pour aussi ample que celui d’idée ; l’usage latin ne s’y oppose pas, et je ne sais si celui des Anglais ou des Français y est contraire.

§ 15. Ph. Il est encore à remarquer que les hommes apprennent les noms avant les idées des modes mixtes, le nom faisait connaître que cette idée mérite d’être observée.

Th. Cette remarque est bonne, quoiqu’il soit vrai qu’aujourd’hui les enfants à l’aide des nomenclateurs apprennent ordinairement les noms non seulement des modes, mais encore des substances, avant les choses, et même plutôt les noms des substances que des modes ; car c’est un défaut dans ces mêmes nomenclateurs qu’on y met seulement les noms, et non pas les verbes ; sans considérer que les verbes, quoiqu’ils signifient des modes, sont plus nécessaires dans la conversation que la plupart des noms qui marquent des substances particulières.

Chap. VI. — Des noms des substances.

§ 1. Ph. Les genres et les espèces des substances, comme des autres êtres, ne sont que des sortes. Par exemple les soleils sont une sorte d’étoiles, c’est-à-dire ils sont des étoiles fixes, car ce n’est pas sans raison qu’on croit que chaque étoile fixe se ferait connaître pour un soleil à une personne qui serait placée à une juste distance. § 2. Or ce qui forme chaque sorte est une essence. Elle est connue ou par l’intérieur de la structure ou par des marques externes qui nous la font connaître, et nommer d’un certain nom ; et c’est ainsi qu’on peut connaître l’horloge de Strasbourg ou comme l’horloger qui l’a faite, ou comme un spectateur qui en voit les effets.

Th. Si vous vous exprimez ainsi, je n’ai rien à opposer.

Ph. Je m’exprime d’une manière propre à ne point renouveler nos contestations. Maintenant j’ajoute que l’essence ne se rapporte qu’aux sortes, et que rien n’est essentiel aux individus. Un accident ou une maladie peut changer mon teint ou ma taille ; une fièvre ou une chute peut m’ôter la raison ou la mémoire, une apoplexie peut me réduire à n’avoir ni sentiment, ni entendement, ni vie. Si l’on me demande s’il est essentiel à moi d’avoir de la raison, je répondrai que non.

Th. Je crois qu’il y a quelque chose d’essentiel aux individus et