voir qu’alors on ne se borne pas à l’extérieur, puisqu’on voudrait deviner si la nature intérieure (comme, par exemple, la raison dans l’homme), commune aux individus d’une telle espèce, convient encore (comme la naissance le fait présumer) à ces individus, où manque une partie des marques extérieures qui se trouvent ordinairement dans cette espèce. Mais notre incertitude ne fait rien à la nature des choses, et s’il y a une telle nature commune intérieure, elle se trouvera ou ne se trouvera pas dans le monstre, soit que nous le sachions ou non. Et, si la nature intérieure d’aucune espèce ne s’y trouve, le monstre pourra être de sa propre espèce. Mais, s’il n’y avait point de telle nature intérieure dans les espèces dont il s’agit, et si on ne s’arrêtait pas non plus à la naissance, alors les marques extérieures seules détermineraient l’espèce, et les monstres ne seraient pas de celle dont ils s’écartent, à moins de la prendre d’une manière un peu vague et avec quelque latitude : et en ce cas aussi notre peine de vouloir deviner l’espèce serait vaine. C’est peut-être ce que vous voulez dire par tout ce que vous objectez aux espèces prises des essences réelles internes. Vous devriez donc prouver, Monsieur, qu’il n’y a point d’intérieur spécifique commun, quand l’extérieur entier ne l’est plus. Mais le contraire se trouve dans l’espèce humaine où quelquefois des enfants qui ont quelque chose de monstrueux parviennent à un âge où ils font voir de la raison. Pourquoi donc ne pourrait-il point y avoir quelque chose de semblable en d’autres espèces ? Il est vrai que faute de les connaître nous ne pouvons pas nous en servir pour les définir, mais l’extérieur en tient lieu, quoique nous reconnaissions qu’il ne suffit pas pour avoir une définition exacte, et que les définitions nominales mêmes dans ces rencontres ne sont que conjecturales : et j’ai dit déjà ci-dessus comment quelquefois elles sont provisionnelles seulement. Par exemple, on pourrait trouver le moyen de contrefaire l’or, en sorte qu’il satisferait à toutes les épreuves qu’on en a jusqu’ici ; mais on pourrait aussi découvrira lors une nouvelle manière d’essai, qui donnerait le moyen de distinguer l’or naturel de cet or fait par artifice. De vieux papiers attribuent l’un et l’antre à Auguste, électeur de Saxe ; mais je ne suis pas homme à garantir ce fait. Cependant s’il était vrai, nous pourrions avoir une définition plus parfaite de l’or que nous n’en avons présentement, et si l’or artificiel se pouvait faire en quantité et à bon marché, centime les alchimistes le prétendent, cette nouvelle épreuve serait de conséquence ; car par son
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nouveaux essais sur l’entendement