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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/307

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des mots

raisonnable n’aurait pu loger en lui, si les traits de son visage eussent été un peu plus altérés ; pourquoi un visage un peu plus long, ou un nez plus plat, ou une bouche plus fendue n’auraient pu subsister aussi bien que le reste de la figure irrégulière avec une âme et des qualités qui le rendaient capable, tout contrefait qu’il était, d’avoir une dignité dans l’Église.

Th. jusqu’ici on n’a point trouvé d’animal raisonnable d’une figure extérieure fort différente de la nôtre ; c’est pourquoi, quand il s’agissait de baptiser un enfant, la race et la figure n’ont jamais été considérées que comme des indices pour juger si c’était un animal raisonnable ou non. Ainsi les théologiens et jurisconsultes n’ont point eu besoin de renoncer pour cela à leur définition consacrée.

§ 27. Ph. Mais si ce monstre dont parle Licetus[1] (l. I, chap. iii), qui avait la tête d’un homme et le corps d’un pourceau, ou d’autres monstres qui, sur des corps d’hommes, avaient des têtes de chiens et de chevaux, eussent été conservés en vie, et eussent pu parler, la difficulté serait plus grande.

Th. Je l’avoue, et si cela arrivait et si quelqu’un était fait comme un certain écrivain, moine du vieux temps, nommé Hans Kalb (Jean le veau), qui se peignit avec une tête de veau, la plume à la main, dans un livre qu’il avait écrit, ce qui fit croire ridiculement à quelques-uns que cet écrivain avait eu véritablement une tête de veau, si, dis-je, cela arrivait, on serait dorénavant plus retenu à se défaire des monstres. Car il y a de l’apparence que la raison l’emporterait chez les théologiens et chez les jurisconsultes malgré la figure et même malgré les différences que l’anatomie pourrait y fournir aux médecins qui nuiraient aussi peu à la qualité d’homme que ce renversement de viscères dans cet homme dont des personnes de ma connaissance ont vu l’anatomie à Paris, qui a fait du bruit, où la nature

« Peu sage et sans doute en débauche
Placa le foie au côté gauche
Et de même vice versa
Le cœur à la droite plaça. »

si je me souviens bien de quelques-uns des vers que feu M. Alliot le

  1. Licetus, médecin italien du xvie siècle, né à Ricco, mort à Gênes en 1599. Il a écrit en un livre italien surla Noblesse des paries maîtresses du corps humain, c’est-à-dire des organes de la génération, publié à Bologne en 1599.