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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/309

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des mots

substances à ce qui existe effectivement que parce qu’on n’est pas sûr dans les idées physiques (qu’on n’entend guère à fond) si leur alliage est possible et utile, lorsqu’on n’a point l’existence actuelle pour garant. Mais cela a lieu encore dans les modes, non seulement quand leur obscurité nous est impénétrable, comme il arrive quelquefois dans la physique, mais encore quand il n’est pas aisé de la pénétrer, comme il y en a assez d’exemples en géométrie. Car dans l’une et dans l’autre de ces sciences, il n’est pas en notre pouvoir de faire des combinaisons à notre fantaisie, autrement on aurait droit de parler de décaèdres réguliers ; et on chercherait dans le demi cercle un centre de grandeur, comme il y en a un de gravité. Car il est surprenant en effet que le premier y est, et que l’autre n’y saurait être. Or, comme dans les modes les combinaisons ne sont pas toujours arbitraires, il se trouve par opposition qu’elles le sont quelquefois dans les substances : et il dépend souvent de nous de faire des combinaisons des qualités pour définir encore des êtres substantiels avant l’expérience, lorsqu’on entend assez ces qualités pour juger de la possibilité de la combinaison. C’est ainsi que des jardiniers experts dans l’orangerie pourront avec raison et succès, se proposer de produire quelque nouvelle espèce et lui donner un nom par avance.

§ 29. Ph. Vous m’avouerez toujours que, lorsqu’il s’agit de définir les espèces, le nombre des idées qu’on combine dépend de la différente application, industrie ou fantaisie de celui qui forme cette combinaison ; comme c’est sur la figure qu’on se règle le plus souvent pour déterminer l’espèce des végétaux et des animaux, de même à l’égard de la plupart des corps naturels, qui ne sont pas produits par semence, c’est à la couleur qu’on s’attache le plus. § 30. À la vérité ce ne sont bien souvent que des conceptions confuses, grossières et inexactes, et il s’en faut bien que les hommes conviennent du nombre précis des idées simples ou des qualités, qui appartiennent à une telle espèce ou à un tel nom, car il faut de la peine, de l’adresse et du temps pour trouver les idées simples, qui sont constamment unies. Cependant peu de qualités qui composent ces définitions inexactes, suffisent ordinairement dans la conversation : mais, malgré le bruit des genres et des espèces, les formes dont on a tant parlé dans les écoles ne sont que des chimères qui ne servent de rien à, nous faire entrer dans la connaissance des natures spécifiques.