pris la peine de démontrer quelques-uns des axiomes d’Euclide. Cette manière de proceder doit être imitée des philosophes pour venir enfin à quelques établissements quand ils ne seraient que provisionnels de la manière que je viens de dire.
Quant aux idées, j’en ai donné quelques éclaircissements dans un petit écrit imprimé dans les Actes des savants de Leipsig au mois de novembre 1684, qui est intitulé : Meditationes de cognitione, veritate, et ideis : et j’aurais souhaité que M. Locke l’eût vu et examiné ; car je suis des plus dociles, et rien n’est plus propre à avancer nos pensées que les considérations et les remarques des personnes de mérite, lorsqu’elles sont faites avec attention et avec sincérité. Je dirai seulement ici que les idées vraies ou réelles sont celles dont on est assuré que l’exécution est possible ; les autres sont douteuses, ou (en cas de preuve de l’impossibilité) chimériques. Or la possibilité des idées se prouve tant à priori par des démonstrations, en se servant de la possibilité d’autres idées plus simples, qu’à posteriori par les expériences ; car ce qui est ne saurait manquer d’être possible. Mais les idées primitives sont celles dont la possibilité est indémontrable, et qui en effet ne sont autre chose que les attributs de Dieu.
Pour ce qui est de la question, s’il y a des idées et des vérités nées avec nous, je ne trouve point absolument nécessaire pour les commencements, ni pour la pratique de l’art de penser, de la decider ; soit qu’elles nous viennent toutes de dehors, ou qu’elles viennent de nous, on raisonnera juste pourvu qu’on garde ce que j’ai dit ci-dessus et qu’on procède avec ordre et sans prévention. La question de l’origine de nos idées et de nos maximes n’est pas préliminaire en philosophie, et il faut avoir fait de grands progrès pour la bien résoudre. Je crois cependant pouvoir dire que nos idées, même celles des choses sensibles, viennent de notre propre fond, dont on pourra mieux juger par ce que j’ai publié touchant la nature et la communication des substances, et ce que l’on-appelle l’union de l’âme avec le corps. Car j’ai trouvé que ces choses n’avaient pas été bien prises. Je ne suis nullement pour la tabula rasa d’Aristote ; et il y a quelque chose de solide dans ce que Platon appelait la réminiscence. Il y a même quelque chose de plus, car nous n’avons pas seulement une réminiscence de toutes nos pensées passées, mais encore un pressentiment de toutes nos pensées futures. Il est vrai que c’est confusément et sans les distinguer ; à peu près comme