taphysiquement parlant, qu’il y ait un songe suivi et durable comme la vie d’un homme ; mais c’est une chose aussi contraire à la raison que pourrait être la fiction d’un livre qui se formerait par le hasard en jetant pèle-mêle des caractères d’imprimerie. Au reste il est vrai aussi que, pourvu que les phénomènes soient lies, il n’importe qu’on les appelle songes ou non, puisque l’expérience montre qu’on ne se trompe point dans les mesures qu’on prend sur les phénomènes, lorsqu’elles sont prises selon les vérités de raison.
§ 15. Ph. Au reste, la connaissance n’est pas toujours claire, quoique les idées le soient. Un homme qui a des idées aussi claires des angles d’un triangle et de l’égalité à deux droits qu’aucun mathématicien qu’il y ait au monde, peut pourtant avoir une perception fort obscure de leur convenance.
Th. Ordinairement, lorsque les idées sont entendues à fond, leurs convenances et disconvenances paraissent. Cependant j’avoue qu’il y en a quelquefois de si composées, qu’il faut beaucoup de soin pour développer ce qui y est caché ; et à cet égard certaines convenances ou disconvenances peuvent rester encore obscures. Quant à votre exemple, je remarque que pour avoir dans imagination les angles d’un triangle, on en a pas des idées claires pour cela. L’imagination ne nous saurait fournir une image commune aux triangles acutangles et obtusangles, et cependant l’idée du triangle leur est commune : ainsi cette idée ne consiste pas dans les images, et il n’est pas aussi aisé qu’on pourrait penser d’entendre à fond les angles d’un triangle.
Chap. III. — De l’étendue de la connaissance humaine.
§ 1. Ph. Notre connaissance ne va pas au delà de nos idées, § 2. ni au delà de la perception de leur convenance ou dis convenance. § 3. Elle ne saurait toujours être intuitive, parce qu’on ne peut pas toujours comparer les choses immédiatement, par exemple, les grandeurs de deux triangles sur une même base, égaux mais fort différents. § 4. Notre connaissance aussi ne saurait toujours être démonstrative, car on ne saurait toujours trouver les idées moyennes. § 5. Enfin notre connaissance sensitive ne regarde que l’existence des choses qui frappent actuellement nos sens. § 6. Ainsi