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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/395

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de la connaissance

complexe que nous avons de l’or, il est impossible que nous puissions connaître certainement la vérité de cette proposition, que tout or est fixe.

Th. Nous savons presque aussi certainement que le plus pesant de tous les corps connus ici-bas est fixe, que nous savons certainement qu’il fera jour demain. C’est parce qu’on l’a expérimenté cent mille fois, c’est une certitude expérimentale et de fait, quoique nous ne connaissions point la liaison de la fixité avec les autres qualités de ce corps. Au reste, il ne faut point opposer deux choses qui s’accordent et qui reviennent au même. Quand je pense à un corps qui est en même temps jaune, fusible et résistant à la coupelle, je pense à un corps dont l’essence spécifique, quoique inconnue dans son intérieur, fait émaner ces qualités de son fond et se fait connaître confusément au moins par elles. Je ne vois rien de mauvais en cela, ni qui mérite qu’on revienne si souvent à la charge pour l’attaquer.

§ 10. Ph. C’est assez pour moi maintenant que cette connaissance de la fixité du plus pesant des corps ne nous est point connue par la convenance ou disconvenance des idées. Et je crois pour moi que parmi les secondes qualités des corps et les puissances qui s’y rapportent, on n’en saurait nommer deux dont la coexistence nécessaire ou l’incompatibilité puisse être connue certainement, hormis les qualités qui appartiennent au même sens et s’excluent nécessairement l’une l’autre, comme lorsqu’on peut dire que ce qui est blanc n’est pas noir.

Th. Je crois pourtant qu’on en trouverait peut-être : par exemple, tout corps palpable (ou qu’on peut sentir par l’attouchement) est visible. Tout corps dur fait du bruit, quand on le frappe dans l’air. Les tons des cordes ou des fils sont en raison sous-doublée des poids qui causent leur tension. Il est vrai que ce que vous demandez ne réussit qu’autant qu’on conçoit des idées distinctes, jointes aux idées sensitives confuses.

§ 11. Ph. Toujours ne faut-il point s’imaginer que les corps ont leurs qualités par eux-mêmes, indépendamment d’autre chose. Une pièce d’or, séparée de l’impression et de l’influence de tout autre corps, perdrait aussitôt sa couleur jaune et sa pesanteur et peut-être aussi deviendrait-elle friable et perdrait sa malléabilité. L’on sait combien les végétaux et les animaux dépendent de la terre, de l’air, et du soleil ; que sait-on si les étoiles fixes fort éloignées n’ont pas encore de l’influence sur nous ?