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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/397

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de la connaissance

l’École ont dit que ces propositions sont évidentes ex terminis, aussitôt qu’on en entend les termes ; de sorte qu’ils étaient persuadés que la force de la conviction était fondée dans l’intelligence des termes, c’est-à-dire dans la liaison de leurs idées. Mais les géomètres ont bien fait davantage ; c’est qu’ils ont entrepris de les démontrer bien souvent. Proclus attribue déjà à Thalès de Millet [1], un des plus anciens géomètres connus, d’avoir voulu démontrer des propositions qu’Euclide a supposées depuis comme évidentes. On rapporte qu’Apolonius a démontré d’autres axiomes, et Proclus le fait aussi. Feu M. Roberval, déjà octogénaire ou environ, avait dessein de publier de nouveaux Éléments de géométrie, dont je crois vous avoir déjà parlé. Peut-être que les nouveaux Éléments de M. Arnauld [2], qui faisaient du bruit alors, y avaient contribué. Il en montra quelque chose dans l’Académie royale des sciences, et quelques-uns trouvèrent à redire que, supposant cet axiome que « si à des égaux on ajoute des grandeurs égales il en provient des égaux, » il démontrait cet autre qu’on juge de pareille évidence que, « si des égaux on ôte des grandeurs égales, il en reste des égaux ». On disait qu’il devait les supposer tous deux, ou les démontrer tous deux. Mais je n’étais pas de cet avis, et je croyais que c’était toujours autant de gagné que d’avoir diminué le nombre des axiomes. Et l’addition sans doute est antérieure à la soustraction et plus simple, parce que les deux termes sont employés dans l’addition l’un comme l’autre, ce qui n’est pas dans la soustraction. M. Arnauld faisait le contraire de M. Roberval. Il supposait encore plus qu’Euclide. Pour ce qui est des maximes, on les prend quelquefois pour des propositions établies, soit qu’elles soient évidentes ou non. Cela pourra être bon pour les commençants que la scupulosité arrête ; mais, quand il s’agit de l’établissement de la science, c’est autre chose. C’est ainsi qu’on les prend souvent dans la morale et même chez les logiciens dans leurs topiques, où il y en a une bonne provision, mais dont une partie en contient d’assez

  1. Thalès, fondateur de la philosophie grecque, né à Milet vers l’an 640 avant J.-C., mort à un âge très avancé, n’a pas laissé d’ouvrages, et peut-être n’a t-il pas écrit. Il passe pour avoir le premier prédit une éclipse de soleil (Hérodote, I, 74). — Voy. Diog. Laert, l. I, c. xxiv. P. J.
  2. Arnauld (Antoine), appelé aussi le grand Arnauld, célèbre janséniste, né à Paris en 1612, mort à Liège en 1694, après une vie très agitée. Ses principaux ouvrages philosophiques sont : La Logique, appelée Logique de Port-Royal, et à laquelle Nicole a collaboré ; le Traité des Vraies et des fausses idées, dirigé contre Mallebranche ; les Objections contre Descartes. Il a fait aussi des Éléments de géométrie auxquels Leibniz fait ici allusion. P. J.