Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
374
nouveaux essais sur l’entendement

tence, sont liés, c’est-à-dire pourquoi j’existe. Mais, si l’axiome se prend plus généralement pour une vérité immédiate ou non prouvable, on peut dire que cette proposition : je suis, est un axiome, et en tout cas on petit assurer que c’est une vérité primitive ou bien unum ex primis cognitis inter terminos complexos, c’est-à-dire que c’est une des énonciations premières connues, ce qui s’entend dans l’ordre naturel de nos connaissances, car il se peut qu’un homme n’ait jamais pensé à former expressément cette proposition, qui lui est pourtant innée.

§ 8. Ph. J’avais toujours cru que les axiomes ont peu d’influence sur les autres parties de notre connaissance. Mais vous m’avez désabusé, puisque vous avez même montre un usage important des identiques. Souffrez pourtant, Monsieur, que je vous représente encore ce que j’avais dans l’esprit sur cet article, car vos éclaircissements pourront servir encore à faire revenir d’autres de leur erreur. § 8. C’est une règle célèbre dans les écoles, que tout raisonnement vient des choses déjà connues et accordées, ex præcognitis et præconcessis. Cette règle semble faire regarder ces maximes comme des vérités connues à l’esprit avant les autres, et les autres parties de notre connaissance comme des vérités dépendantes des axiomes. § 9. Je croyais avoir montré (liv. I, chap. i) que ces axiomes ne sont pas les premiers connus, l’enfant connaissant bien plus tôt que la verge que je lui montre n’est pas le sucre qu’il a goûté, que tout axiome qu’il vous plaira. Mais vous avez distingué entre les connaissances singulières ou expériences des faits et entre les principes d’une connaissance universelle et nécessaire (et où je reconnais qu’il faut recourir aux axiomes) connue aussi entre l’ordre accidentel et naturel.

Th. J’avais encore ajouté que dans l’ordre naturel il est antérieur de dire qu’une chose est ce qu’elle est, que de dire qu’elle n’est pas une autre ; car il ne s’agit pas ici de l’histoire de nos découvertes, qui est différente en différents hommes, mais de la liaison et de l’ordre naturel des vérités, qui est toujours le même. Mais votre remarque savoir que ce que l’enfant voit n’est qu’un fait, mérite encore plus de réflexion ; car les expériences des sens ne donnent point de vérités absolument certaines (comme vous l’aviez observé vous-même, Monsieur, il n’y a pas longtemps), ni qui soient exemptes de tout danger d’illusion. Car, s’il est permis de faire des fictions métaphysiquement possibles, le sucre se pourrait changer en verge d’une