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nouveaux essais sur l’entendement

sance certaine lui manque. § 2. Il faut souvent se contenter d’un simple crépuscule de probabilité. § 3. Et la faculté de s’en servir est le jugement. On s’en contente souvent par nécessité, mais souvent c’est faute de diligence, de patience et d’adresse. § 4. On l’appelle assentiment ou dissentiment, et il a lieu lorsqu’on présume quelque chose, c’est-à-dire quand on la prend pour vraie avant la preuve. Quand cela se fait conformément à la réalité des choses, c’est un jugement droit.

Th. D’autres appellent juger l’action qu’on fait toutes les fois qu’on prononce après quelque connaissance de cause ; et il y en aura même qui distingueront le jugement de l’opinion, comme ne devant pas être si incertain. Mais je ne veux point faire le procès à personne sur l’usage des mots, et il vous est permis, Monsieur, de prendre le jugement pour un sentiment probable. Quant à la présomption, qui est un terme des jurisconsultes, le bon usage chez eux le distingue de la conjecture. C’est quelque chose de plus et qui doit passer pour vérité provisionnellement, jusqu’à ce qu’il y ait preuve du contraire, au lieu qu’un indice ou une conjecture doit être pesée souvent contre une autre conjecture. C’est ainsi que celui qui avoue avoir emprunté l’argent d’un autre est présumé de le devoir payer, à moins qu’il ne fasse voir qu’il l’a fait déjà, ou que la dette cesse par quelque autre principe. Présumer n’est donc pas, dans ce sens, prendre avant la preuve, ce qui n’est point permis, mais prendre par avance, mais avec fondement, en attendant une preuve contraire.

Chap. XV. — De la probabilité.

§ 1. Ph. Si la démonstration fait voir la liaison des idées, la probabilité n’est autre chose que l’apparence de cette liaison, fondée sur des preuves où l’on ne voit point de connexion immuable. § 2. Il y a plusieurs degrés d’assentiment, depuis l’assurance jusqu’à la conjecture, au doute, à la défiance. § 3. Lorsqu’on a certitude, il y a intuition dans toutes les parties du raisonnement qui en marquent la liaison ; mais ce qui me fait croire est quelque chose d’étranger. § 4. Or la probabilité est fondée en des conformités avec ce que nous savons, ou dans le témoignage de ceux qui le savent. Th. J’aimerais mieux soutenir qu’elle est toujours fondée dans