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nouveaux essais sur l’entendement

que ce jeune homme professe. On peut consulter les disputes entre M.  Nicole[1] et autres sur l’argument du grand nombre en matière de foi, où quelquefois l’un lui défère trop et l’autre ne le considère pas assez. Il y a d’autres préjugés semblables, par lesquels les hommes seraient bien aises de s’exempter de la discussion. C’est ce que Tertullien[2], dans un traité exprès, appelle prescriptions, se servant d’un terme que les anciens jurisconsultes, dont le langage ne lui était point inconnu, entendaient de plusieurs sortes d’exceptions ou allégations étrangères et prévenantes, mais qu’aujourd’hui on n’entend guère que de la prescription temporelle, lorsqu’on prétend rebuter la demande d’autrui parce qu’elle n’a point été faite dans le temps fixé par les lois. C’est ainsi qu’on a eu de quoi publier des préjugés légitimes tant du côté de l’Église romaine que de celui des protestants. On a trouvé qu’il y a moyen d’opposer la nouveauté, par exemple, tant aux uns qu’aux autres à certains égards, comme, par exemple, lorsque les protestants pour la plupart ont quitté la forme des anciennes ordinations des ecclésiastiques, et que les romanistes ont changé l’ancien canon des livres de la sainte Écriture du Vieux Testament, comme j’ai montré assez clairement dans une dispute que j’ai eue par écrit et à reprises avec Mgr  l’évêque de Meaux[3], qu’on vient de perdre suivant les nouvelles qui en sont venues depuis quelques jours. Ainsi ces reproches étant réciproques, la nouveauté, quoiqu’elle donne quelque soupçon d’erreur en ces matières, n’en est pas une preuve certaine.

Chap. XVI. — Des degrés d’assentiment.

§ 1. Ph. Pour ce qui est des degrés d’assentiment, il faut prendre

  1. Nicole (Pierre), philosophe et théologien de l’école de Port-Royal, né à Chartres en 1625, mort en 1695. Son principal ouvrage est : Essais de morale et instructions théologiques, 25  vol. in-12, 1671-1714, dont 6  vol. de Traités de morale. — La Logique ou l’Art de penser a été composé en commun avec Arnauld. P. J.
  2. Tertullien, l’un des Pères de l’Église latine, né à Carthage en 160, mort en 245. Il finit par tomber dans l’hérésie de Montan. Ses principaux ouvrages sont : l’Apologie ;Contre les spectacles ;Sur l’idolâtrie ;Sur le voile des vierges ;De Anima ;Præscriptiones, etc. P. J.
  3. Bossuet (Jacques-Bénigne), évêque de Meaux, né à Dijon en 1627, mort à Paris en 1704. Ses principaux ouvrages philosophiques sont : La Connaissance de Dieu et de soi-même ; Discours sur l’Histoire universelle ; La Logique ; Traité du libre arbitre. P. J.