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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/459

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de la connaissance

éclata et donna occasion à M. Hugens de faire son traité de Aleâ. D’autres savants hommes y entrèrent. On établit quelques principes dont se servit aussi M. le pensionnaire de Wit, dans un petit discours imprimé en hollandais sur les rentes à vie. Le fondement, sur lequel on a bâti, revient à la prostapherèse, c’est-à-dire à prendre un moyen arithmétique entre plusieurs suppositions également recevables, et nos paysans s’en sont servis il y a longtemps suivant leur mathématique naturelle. Par exemple, quand quelque héritage ou terre doit être vendue, ils forment trois bandes d’estimateurs ; ces bandes sont appelées Schurzen en bas saxon, et chaque bande fait une estime du bien en question. Supposé donc que l’une l’estime être de la valeur de 1000 écus, l’autre de 1400, la troisième de 1500, on prend la somme de ces trois estimes qui est 3900, et parce qu’il y a eu trois bandes, on en prend le tiers, qui est 1300 pour la valeur moyenne demandée ; ou bien, ce qui est la même chose, on prend la somme des troisièmes parties de chaque estimation. C’est l’axiome, æqualibus æqualia, pour des suppositions égales il faut avoir des considérations égales. Mais quand les suppositions sont inégales, on les compare entre elles. Soit supposé, par exemple, qu’avec deux dés l’un doit gagner s’il fait 7 points, l’autre s’il en fait 9 ; on demande quelle proportion se trouve entre leurs apparences de gagner ? Je dis que l’apparence pour le dernier ne vaut que deux tiers de l’apparence pour le premier, car le premier peut faire 7 de trois façons avec deux dés, savoir par 4 et 6, ou 2 et 5, ou 3 et 4 ; et l’autre ne peut faire 9 que de deux façons, en jetant 3 et 6 ou 4 et 5. Et toutes ces manières sont également possibles. Donc les apparences, qui sont comme les nombres des possibilités égales, seront comme 3 à 2 ou comme 1 à . J’ai dit plus d’une fois qu’il faudrait une nouvelle espèce de logique, qui traiterait des degrés de probabilité, puisque Aristote dans ses Topiques n’a rien moins fait que cela, et s’est contenté de mettre en quelque ordre certaines règles populaires, distribuées selon les lieux communs, qui peuvent servir dans quelque occasion où il s’agit d’amplifier le discours et de lui donner apparence, sans se mettre en peine de nous donner une balance nécessaire pour peser les apparences et pour former là-dessus un jugement solide. Il serait bon que celui qui voudrait traiter cette matière poursuivit l’examen des jeux de hasard ; et généralement je souhaiterais qu’un habile mathématicien voulût faire un ample ouvrage bien circonstancié et bien raisonné