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nouveaux essais sur l’entendement

cipes, où se voit la liaison immédiate des idées dont, en effet, ces théorèmes moyens dépendent. Après avoir expliqué l’usage des formes logiques de la manière que je crois qu’on le doit prendre, je viens à vos considérations. Et je ne vois point comment vous voulez, Monsieur, que le syllogisme ne serve qu’à voir la connexion des preuves dans un seul exemple. De dire que l’esprit voit toujours facilement les conséquences, c’est ce qui ne se trouvera pas, car on en voit quelquefois (au moins dans les raisonnements d’autrui) où l’on a lieu de douter d’abord, tant qu’on n’en voit pas la démonstration. Ordinairement on se sert des exemples pour justifier les conséquences, mais cela n’est pas toujours assez sûr, quoiqu’il y ait un art de choisir des exemples qui ne se trouveraient point vrais si la conséquence n’était« bonne. Je ne crois pas qu’il fût permis dans les écoles bien gouvernées de nier sans aucune honte les convenances manifestes des idées, et il ne me paraît pas qu’on emploie le syllogisme à les montrer. Au moins ce n’est pas son unique et principal usage. On trouvera plus souvent qu’on ne pense (en examinant les paralogismes des auteurs) qu’ils ont péché contre les règles de la logique et j’ai moi-même expérimenté quelquefois, en disputant même par écrit avec des personnes de bonne foi, qu’on n’a commencé à s’entendre que lorsqu’on a argumenté en forme pour débrouiller un chaos de raisonnements. Il serait ridicule sans doute de vouloir argumenter à la scolastique dans des délibérations importantes, il cause des prolixités importunes et embarrassantes de cette forme de raisonnement et parce que c’est comme compter aux doigts. Mais cependant il n’est que trop vrai que, dans les plus importantes délibérations qui regardent la vie, l’État, le salut, les hommes se laissent éblouir souvent par le poids de l’autorité, par la lueur de l’éloquence, par des exemples mal appliqués, par des enthymèmes qui supposent faussement l’évidence de ce qu’ils suppriment, et même par des conséquences fautives, de sorte qu’une logique sévère, mais d’un autre tour que celle de l’École, ne leur serait que trop nécessaire, entre autres pour déterminer de quel côté est la plus grande apparence. Au reste, de ce que le vulgaire des hommes ignore la logique artificielle, et qu’on ne laisse pas d’y bien raisonner et mieux quelquefois que des gens exercés en logique, cela ne prouve pas l’inutilité, non plus qu’on prouverait celle de l’arithmétique artificielle, parce qu’on voit quelques personnes bien compter dans les rencontres ordinaires sans avoir appris à lire ou écrire, et sans