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nouveaux essais sur l’entendement

qui peut engager dans des difficultés, où la raison embrouille davantage, bien loin d’éclairer. § 13. Enfin les termes dont la signification est incertaine embarrassent la raison.

Th. Je ne sais s’il nous manque tant d’idées qu’on croit, c’est-adire de distinctes. Quant aux idées confuses ou images plutôt, ou si vous voulez impressions, comme couleurs, goûts, etc., qui sont un résultat de plusieurs petites idées distinctes en elles-mêmes, mais dont on ne s’aperçoit pas distinctement, il nous en manque une infinité, qui sont convenables d’autres créatures plus qu’à nous. Mais ces impressions aussi servent plutôt a donner des instincts et à fonder des observations d’expérience qu’à fournir de la matière à la raison, si ce n’est en tant qu’elles sont accompagnées de perceptions distinctes. C’est donc principalement le défaut de la connaissance que nous avons de ces idées distinctes, cachées dans les confuses, qui nous arrête, et lors même que tout est distinctement exposé à nos sens ou à notre esprit, la multitude des choses qu’il faut considérer nous embrouille quelquefois. Par exemple, lorsqu’il y a un tas de 1000 boulets devant nos yeux, il est visible que, pour bien concevoir le nombre et les propriétés de cette multitude, il sert beaucoup de les ranger en figures comme l’on fait dans les magasins, afin d’en avoir des idées distinctes et les fixer même en sorte qu’on puisse s’épargner la peine de les compter plus d’une fois. C’est la multitude des considérations aussi qui fait que dans la science des nombres même il y a des difficultés très grandes, car on y cherche des abrégés, et on ne sait pas quelquefois si la nature en a dans ses replis pour le cas dont il s’agit. Par exemple, qu’y a-t-il de plus simple en apparence que la notion du nombre primitif, c’est-à-dire du nombre entier indivisible par tout autre excepté par l’unité et par lui-même ? Cependant on cherche encore une marque positive et facile pour les reconnaître certainement sans essayer tous les diviseurs primitifs, moindres que la racine carrée du primitif donné. Il y a quantité de marques qui font connaître sans beaucoup de calcul que tel nombre n’est point primitif, mais on en demande une qui soit facile et qui fasse connaître certainement qu’il est primitif quand il l’est. C’est ce qui fait aussi que l’algèbre est encore si imparfaite, quoiqu’il n’y ait rien de plus connu que les idées dont elle se sert, puisqu’elles ne signifient que des nombres en général ; car le public n’a pas encore le moyen de tirer les racines irrationnelles d’aucune équation au de la du 4o degré (excepté dans un cas fort borné) ; et