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nouveaux essais sur l’entendement

seconde est tout sentiment, dont nous ne voyons pas que la vérité ou la probabilité puisse être déduite de la sensation ou de la réflexion par le secours de la raison. Ainsi l’existence de plus d’un Dieu est contraire à la raison, et la résurrection des morts est au-dessus de la raison.

Th. Je trouve quelque chose à remarquer sur votre définition de ce qui est au-dessus de la raison, au moins si vous le rapportez à l’usage reçu de cette phrase ; car il me semble que, de la manière que cette définition est couchée, elle va trop loin d’un côté et pas assez loin de l’autre ; et si nous la suivons, tout ce que nous ignorons et que nous ne sommes pas en pouvoir de connaître dans notre présent état serait au-dessus de la raison, par exemple, qu’une telle étoile fixe est plus ou moins grande que le soleil, item que le Vésuve jettera du feu dans une telle année, ce sont des faits dont la connaissance nous surpasse, non pas parce qu’ils sont au-dessus de la raison, mais parce qu’ils sont au-dessus des sens ; car nous pourrions fort bien juger de cela si nous avions des organes plus parfaits et plus d’information des circonstances. Il y a aussi des difficultés qui sont au-dessus de notre présente faculté, mais non pas au-dessus de toute la raison ; par exemple, il n’y a point d’astronome ici-bas qui puisse calculer le détail d’une éclipse dans l’espace d’un pater, et sans mettre la plume à la main ; cependant il y a peut-être des génies à qui cela ne serait qu’un jeu. Ainsi toutes ces choses pourraient être rendues connues ou praticables par le secours de la raison, en supposant plus d’information des faits, des organes plus parfaits et l’esprit plus élevé.

Ph. Cette objection cesse si j’entends ma définition, non seulement de notre sensation ou réflexion, mais aussi de celle de tout autre esprit créé possible.

Th. Si vous le prenez ainsi, vous avez raison. Mais il restera l’autre difficulté, c’est qu’il n’y aura rien au-dessus de la raison suivant votre définition, parce que Dieu pourra toujours donner des moyens d’apprendre par la sensation et la réflexion quelque vérité que ce soit ; comme en effet les plus grands mystères nous deviennent connus par le témoignage de Dieu, qu’on reconnaît par les motifs de crédibilité, sur lesquels notre religion est fondée. Et ces motifs dépendent sans doute de la sensation et de la réflexion. Il semble donc que la question est, non pas si l’existence d’un fait ou la vérité d’une proposition peut être déduite des principes dont se